jeudi 8 mai 2008

Les entorses au règlement, volume 3 : la paranoïa politique

Aujourd'hui, le président de la République française, Nicolas Sarkozy, a encore engendré une nouvelle polémique. En s'en prenant à cinq organes de presse (dont l'AFP, Marianne et l'Express), accusés de ne pas avoir relayé suffisamment une affaire judiciaire concernant Ségolène Royal, le Chef de l'Etat s'est posé à la fois en donneur de leçons, mais aussi en grand paranoïaque (ces deux attitudes ne sont pas nouvelles...). Ce procédé n'est pas sans rappeler les plus basses manoeuvres de l'extrême-droite, et particulièrement de Jean-Marie le Pen, qui dénonçait la collusion communisto-socialo-centro-droitemollisto-judéo-maçonnique l'empêchant d'exprimer ses idées aux Français. En se plaçant en victime, Sarkozy poursuit donc avec talent la voie d'un de ses anciens maîtres, et en appelle aux sentiments compatissants de l'opinion publique. Cette posture apparaît cependant risquée : elle a certes permis au président de faire porter les regards sur son ancienne rivale à l'élection présidentielle, dans une affaire qui n'avait effectivement fait aucun bruit (mis à part quelques diatribes de Raffarin, mais "qui connaît M. Raffarin ?"), ce dont on peut par ailleurs légitimement et effectivement s'inquiéter. Mais c'est bien là le seul avantage de cette sortie faussement hasardeuse. Nicolas Sarkozy, personnage ultra-médiatique, que les médias ont d'ailleurs souvent flatté et caressé dans le sens du poil, ne semble pas avoir compris qu'il n'est plus en campagne, que l'opinion est majoritairement contre lui, et que la thèse du complot ne fonctionne que si l'on n'est effectivement qu'un marginal dans la vie politique. Nul doute, de plus, que les médias insultés se feront un plaisir de répondre, et que cracher dans la soupe du Landerneau journalistique ne peut que se finir tragiquement : c'est là finalement le lot de tous les "chouchous" médiatiques, qui tôt ou tard paient leur gloire passée. A contrario, il faudrait cependant que certains médias restent à la solde du petit Nicolas. Dans le cas contraire, il aurait alors des armes, cette fois réelles, pour dénoncer les méchants qui s'acharnent sur lui. Au vu des pointes du journalisme politique dans notre pays (PPDA, Arlette Chabot, Michel Drucker) nous n'avons néanmoins guère de soucis à nous faire.
Mais il y a mieux.
Non seulement le président s'attaque à la presse, mais il s'en prend également à son prédecesseur, instaurant pour le coup une véritable rupture. Les accusations portées contre Jacques Chirac par Nicolas Sarkozy (se moquant des "21 années" qu'il avait mis à se faire élire et raillant la "réforme et demie" de deux septennats qui se seraient terminés après les grèves de 1995) sont le fruit d'un homme profondément méprisant pour celui qui l'a lancé en politique, comme si il fallait par cet acte "tuer le père", puis qu'il trahit honteusement en 1995, rejoignant le Grand Turc avec le succès que l'on sait. Elles traduisent aussi la conception du temps de notre président, qui est toujours dans l'action présente, sans considération aucune pour le passé ou l'avenir. Elles sont enfin le résultat de cette idée profonde et fausse de "rupture" d'un homme dont le parcours politique a suivi pendant trente ans celui de l'idole déchue. Pire, par ces accusations grossières, Nicolas Sarkozy nous rend Jacques Chirac sympathique, et on en viendrait presque à regretter un incompétent magouilleur...Même les membres de la majorité ne suivent plus leur Guide...

On dirait que Nicolas Sarkozy fait tout pour ne pas être aimé, se posant en martyre médiatique, lynché par des fouille-merdes qui ne connaissent rien à la vraie vie. Le président "mal-aimé", se sacrifiant pour l'amour du bien public, incompris mais certain de la voie à suivre...Il y a du Robespierre là-dedans (les deux portaient d'ailleurs des lunettes de soleil), à la différence près que Maximilien oeuvrait réellement pour la vertu et le bonheur commun, que je préfère Arras à Neuilly, les redingotes, chemises à jabot et bas de soie aux costumes trop chers et aux chaussures à gland...Et surtout que je vois mal Bertrand, Copé ou Dati nous faire un 9 thermidor...

jeudi 1 mai 2008

Les entorses au règlement, volume 2 : les jours fériés

En ce 1er mai, parlons un peu, sans boutons de manchettes, décontractés et guillerets, des jours fériés. Le sujet se rapporte en effet bel et bien à notre thématique dans la mesure où le jour férié est, comme le dimanche, un jour généralement chômé, qui permet toutes sortes de divertissements tels que de regarder des défilés militaires à la télévision [petite incise à ce sujet : nous commémorons tous les 14 juillet non pas la prise de la Bastille en 1789, mais la Fête de la Fédération de 1790, voilà, c'est dit] ou d'aller, dans la joie et la bonne humeur, manger le traditionnel poulet rôti du dimanche chez mamy Yvonne.
Le jour férié introduit un dérèglement dans les habitudes et les pratiques sociales hebdomadaires qui est préjudiciable à la bonne santé économique (comment imaginer que des travailleurs français osent chômer lorsqu'il faudrait que nous tous, courageux et fiers artisans de la mise au travail de notre pays de feignants, cheminots, profs, fonctionnaires en général (nos amis représentants de l'ordre mis à part), participions à la grande bataille de l'ultra-libéralisme et de la compétition ? Croyez-vous, maigres oisifs, que l'ouvrier chinois de 10 ans s'arrête de travailler les jours fériés ?), psychique (le traumatisme bien connu du oufc'estlafindelasemaine/etmerdec'estlareprise est en effet répété deux fois dans la même semaine ; comment survivre psychologiquement à un jour en tous points semblable au dimanche lorsque l'on sait que quelques jours plus tard ledit dimanche arrivera ?) et sociale (qu'est-ce donc que tous ces gauchistes assemblés dans leur grand-messe du 1er mai, le bouquet de muguet dans une main et la faucille dans l'autre ?). Imaginez, indolents personnages, le désarroi de notre Bien Aimé Président et de Ses Bras (très à) Droit(e)s...
Et que dire lorsque, comme cette année, le jour férié permet un "pont" ? Songez, vils paresseux, que cette semaine, certains ne travailleront que trois jours sur sept. Cet état de fait est scandaleux. Il l'est d'autant plus lorsque les gouvernants s'amusent à jouer au yoyo avec les jours fériés, comme le lundi de Pentecôte chômé...euh...non, travaillé...euh non chômé cette année en est la preuve.
Et pourtant...souvenons-nous que sous l'Ancien-Régime, on comptait plus de soixante à soixante-dix jours fériés !
Conclusion : courons au bois ramasser du muguet avant que le gros Bertrand ne s'asseoie dessus.

vendredi 18 avril 2008

Les entorses au règlement, volume 1 : la Belgique

Comme chacun sait, et selon le bon vieil adage, les règles n'existent vraiment que pour être contournées. Le postulat de départ de ce blog était de ne poster des messages que le dimanche, si possible l'après-midi, pour illustrer en texte le profond désarroi qui nous envahit tous lorsque ce jour fatal sonne à notre porte (ce qui se situe généralement entre le samedi et le lundi). Oui mais ! Il est certains dimanches où l'oisiveté laisse place à la ripaille collective (les repas de famille) ou à une quelconque activité qui rend totalement impossible la réalisation d'un article. Que faire ? laisser dépérir cette oeuvre magistrale ou lui redonner vie, dans un élan grotesque ? J'ai choisi la seconde solution. A partir d'aujourd'hui, je déclare comme nulle et non avenue la tacite règle que je m'étais imposé, à savoir de ne rédiger que les dimanches. J'admets que cette entorse ne peut qu'entâcher le magnifique concept qui donnait vie à ce blog, mais j'assume pleinement cet acte révolutionnaire : oui, je parlerai du dimanche un autre jour que le dimanche.
Après cette trop longue introduction, venons-en au fait. Quel sujet aborder un jour de semaine pour parler du dimanche ? Il fallait trouver quelque chose d'imbécile, de bénin, d'anecdotique, de vide, de creux, d'absurde, bref, de dominical. Alors quoi de mieux que ce pays du dimanche qu'est...la Belgique ?
J'ai une sympathie et une admiration profondes pour le plat pays. Au-delà de la poésie des terrils de Charleroi et des usines de la Louvière, du pavé luisant sous la pluie, du waterzoï et de la bande-dessinée, d'un accent inimitable et de gloires du vélo, la Belgique représente finalement tout ce que la France aurait voulu être et ne sera jamais, même dans le Nord de la France, n'en déplaise à certains humoristes qui cultivent sans ambages la caricature du chti sympa-cool-décontracté-qui-ne-crache-pas-sur-le-Picon-Bière-mange-du-Maroilles-au-petit-déjeuner-en-buvant-de-la-chicorée-tout-ça-avec-un-accent-à-couper-au-couteau. En passant, je suis un militant actif de la reconnaissance de cette région, mais nous faire croire que le Chnord est formidable, qu'il n'y a que des gens sympas même si ils sont un peu brutes au départ, qu'il ne fait pas si mauvais que ça à Lens, que tous les postiers sont un peu alcooliques mais attachants...Fut un temps, on appelait ça la discrimination positive, maintenant on appelle ça la promotion régionale...
Revenons cependant à nos Manneken-Pis. La Belgique existe officiellement depuis 1830, mais n'a aucune existence réelle et tangible : composée de deux "communautés" qui se haïssent volontiers, les Flamands et les Wallons, elle se distingue par cette scission profonde qui la menace depuis sa fondation. Point n'est besoin de rappeler ici les conflits qui opposent ces deux parties, les uns néerlandophones et néerlandophiles, les autres francophones et francophiles. Notons simplement que cette partition linguistique et réellement culturelle n'a fait qu'handicaper ce beau pays au fil des décennies.
Politiquement, comme artistiquement, la Belgique est le pays du surréalisme : Michel Daerden est en cela le digne héritier de Magritte. Elle cultive un certain sens de l'autodérision dont nous sommes, nous Français, bien incapables. Elle est l'un des seuls pays qui ait pu fonctionner sans gouvernement pendant de nombreux mois (ce qui pose d'ailleurs la question de la nécessité d'un gouvernement), dont les dirigeants ne savent même pas pour quelle raison la fête nationale a lieu, lorsque certains se trompent d'hymne national...Ses principaux dirigeants politiques se distinguent mondialement, soit par leur sens inné du spectacle, soit par leur goût vestimentaire qui ferait passer Keith Richards pour un Mormon, soit par leur humour (belge, bien entendu).
Sportivement, elle fut une héroïne de la bicyclette, d'Eddy Merckx à Ghislain Lambert, et compte de nombreux clubs de football comme Anderlecht, le FC Bruges, le Standard de Liège ou la Gantoise (dont je n'ai jamais compris le logo, si ce n'est par la présence d'une forte communauté cherokee dans cette région).
Artistiquement, la Belgique a compté quelques grandes voix de la chanson (Brel, Jean-Philippe Smet), quelques belles plumes de la bande-dessinée au temps du Congo belge mais pas seulement (Franquin, Georges Rémi), quelques historiens célèbres (Tanguy Allard), des acteurs (Benoît Pelforth).
Gastronomiquement, les frites.
Economiquement, les frites.
Culturellement, les frites (et accessoirement Bruxelles).
Religieusement, les frites.
Conclusion : la Belgique est vraiment un pays du dimanche, une fois.

samedi 29 mars 2008

Les occupations du dimanche, volume 2 : le football anglais

Né dans les cours des "colleges" britanniques au milieu du XIXe siècle, par la codification de différents jeux de pied, le football (ou soccer pour nos amis d'Outre-Atlantique), est un jeu qui oppose deux équipes de onze joueurs chacune (dix joueurs de champ et un gardien), et dont le but est d'en marquer (des buts).

Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, le football se développa rapidement en Angleterre, et aux clubs des collèges ou universités succédèrent ceux des villes, des quartiers : c'était un moyen, comme l'expliquait fort bien Georges Vigarello, de recréer, au sein de sociétés de plus en plus urbanisées, dans lesquelles la solidarité villageoise se dissolvait, un "esprit de clocher". Le public accourut en masse, les gamins jouèrent au ballon dans les rues de Londres, Manchester, Liverpool, Newcastle...Et la légende était en marche.

Les premiers footballeurs étaient de vrais passionnés amateurs : ils jouaient en sus de leurs heures de travail, le dimanche après-midi, ne rechignant pas à s'envoyer quelques bonnes pintes d'ale une fois la besogne salopée. Le supporter ouvrier de base emmenait ses rejetons soutenir les Hammers contre ces fumiers de bourgeois de Gunners, et recréait, symboliquement, les luttes sociales sur le terrain, arborant fièrement le maillot de son équipe, à défaut de casser la gueule à son patron.

De nos jours, il n'y a plus d'ouvriers de base en Angleterre, peu de rejetons, mais beaucoup plus de hooligans (demandez à Bruxelles en 1985) et les joueurs de West Ham ne crachent pas sur un transfert à Arsenal, ceux d'Everton à Liverpool, et de City à United...Les joueurs ont commencé à être grassement payés par les immondes sponsors présents sur les maillots autrefois immaculés, la premier league est devenue une congrégation de clubs de riches, rachetés et détenus par des hommes d'affaires dont le casier judiciaire est aussi vierge que Tabatha Cash, qui investissent des millions d'euros dans la construction de stades aux noms poétiques, faisant démolir les derniers vestiges du football de papa. Les Abramovitch, Al-Fayed et consorts ne lésinent pas sur les moyens pour faire venir dans leurs stades où ils seront applaudis par des fans endettés jusqu'au cou pour s'offrir le match de leurs rêves, des stars internationales qui se foutent bien de l'amour du maillot. Il faut croire que la consanguinité (ou la passion) est forte en Angleterre pour que des gogos viennent encore voir une équipe bosmanisée dont la spécificité britannique est souvent bien mince. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si quatre clubs anglais sont qualifiés pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions, alors que dans le même temps, l'équipe nationale ne participera pas à l'Euro.

Oui mais...je serai toujours ému devant des clubs de football dont les plus récents ont été créés à la même date que nos plus anciens, devant ces supporters qui voulant conserver l'esprit de leur club montent une équipe dissidente attachée à ses valeurs, devant des joueurs alcooliques, drogués, bagarreurs, taulards parfois, devant ces Shearer, Keane, Sheringham, Adams, Ince, Vinnie Jones, Speed, Hartson, Sutton, Gascoigne...Tant de briseurs de tibia et de tacleurs à hauteur de la gorge. Ajoutons que les joueurs anglais en général ont une trogne qui expriment l'esprit qui les caractérise, bien loin des bimbos apprêtées sud-européennes ou sud-américaines qui se saoulent à la manzana dans les boîtes chic de la banlieue londonienne ou les bars à tapas branchés barcelonais. Il n'y a guère que les Allemands qui ont pu leur contester ce titre, qui constitue d'ailleurs le seul qu'ils aient glané depuis 1966.


Conclusion : « J'ai dépensé beaucoup d'argent pour la picole, les jolies filles et les voitures de sport. J'ai gaspillé le reste... » George Best, le cinquième Beatles, à côté de qui Paul "Gazza" Gascoigne était un enfant de choeur.

dimanche 23 mars 2008

La Bibliothèque dominicale, volume 1 : La Bible

Le Best-Seller absolu. A faire pâlir les Guillaume Musso, Dan Brown et autres Daniel Pennac qui ne dépasseront jamais, en chiffre, le carton éditorial de cet ouvrage, dont on ne sait ni quand il a été écrit, ni par qui, ni où...Ce sont ces questions qui font vendre des millions de livres à des hordes acharnées de chrétiens en rage, s'abreuvant méticuleusement au fil des pages de la parole divine dans le seul but d'aller convertir l'infidèle ou punir l'impie. Non, je dérape.
Agrégation de textes choisis au fil des siècles, la Bible a considérablement évolué pour adopter une forme que l'on ne retouche que rarement de nos jours : pour les chrétiens, elle est divisée en deux grandes parties, l'Ancien et le Nouveau Testament, qui établissent le dogme religieux à suivre pour le bon pratiquant. On aura remarqué, au passage, que des textes fort intéressants furent retirés des Livres pour devenir apocryphes, ou deutérocanoniques (le Livre des Macchabées par exemple), ce qui équivaut à une rétrogadation dans la Ligue 2 des Livres Saints.
Mais, me direz-vous, et vous auriez raison, qu'est ce que ce type (moi) vient nous emmerder à 10h du matin avec des histoires de Bible, de livres de seins, de dutroucanonique, et tout le tralala ? Eh bien, c'est que la Bible est LE gros succès éditorial de ces 2000 dernières années : songez qu'elle est traduite en plus de 2300 langues et que l'on estime à 40 millions le nombre de Bible distribuées ou vendues chaque année ! Alors il y a de quoi faire réfléchir tout éditeur qui se respecte, parce que 40 millions de bouquins, c'est quand même mieux que les 50 volumes de la thèse de Laurent Keiff, Le pluralisme logique. Vers une dynamique.Eléments pour une étude des interactions dynamiques entre la sémantique dialogique et certains contextes de l'activité rationnelle. La cladistique. Les taxonomies « primitives.
La Bible est LE livre du dimanche, qui a été écrit POUR le dimanche, car il est à son image : flasque, chiant, contradictoire, incohérent, pétri de bonnes intentions qui ne se réalisent jamais, de promesses intenables que même le plus corrompu des politiciens n'oserait faire... j'ajouterai qu'on ne compte plus les faits avérés et incontestables qui sont des défis permanents à la Raison, et plus concrètement à la physique.
Pour lire et aimer la Bible, il faut, en somme, déjà croire au message qui y est délivré, car l'argumentaire est assez peu soutenu, et se base sur la conviction qu'il l'est. Les religieux vous diront qu'il ne faut pas prendre ce livre pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il représente, pour les idées qu'il véhicule, et que c'est une question de Foi. Pour les autres, les athées par exemple (qui représentent la majorité de la population en France et dont on ne parle jamais, parce qu'ils ne sont pas organisés en "communautés"), la Bible reste un sacré bon livre d'aventures, avec des rebondissements à gogo (la mer qui s'ouvre, le type qui multiplie les pains, qui marche sur l'eau, qu'on tue et qui revient, et tant d'autres !). Il faut bien admettre, en outre, qu'usant de techniques de marketing éculées (la polémique à quatre sesterces, la victimisation à outrance), les libraires de Nazareth ou Béthléem ont sacrément bien su vendre leur produit dans un package digne des plus grandes maisons d'éditions : recours à une main d'oeuvre qualifiée et bon marché, coalition avec les Grands-de-Ce-Monde qui allaient vendre le produit aux quatres coins du monde, insertion de passages racoleurs dans le bouquin pour le faire vendre (Marie-Madeleine, femme de Jésus-Christ ?), adoption rapide des tournants de la technologie moderne (le premier livre qui sort des presses de Gutenberg est la Bible)...Comme quoi, ce sont toujours les bouquins les plus minables qui se vendent toujours le mieux.
Conclusion : la Bible est à l'édition ce que le succès de Diam's est à la chanson : un mystère.

dimanche 16 mars 2008

La gastronomie dominicale

Il y a quelques décennies, manger était, pour certains, au-delà du besoin de survie (qui nous incite malgré tout à manger une boite de cassoulet dégueulasse lorsqu'il n'y a plus que ça) un véritable plaisir, pour ne pas dire une passion. Cette tradition, dans laquelle j'ai été élevé étant jeune, trouvait son aboutissement ultime dans le repas du dimanche : copieux, gras, lourd, arrosé de divers breuvages pour tasser le tout, d'entremets qui en temps normal nous auraient fait un repas complet, de sauces que l'on sentait couler dans nos veines, le repas dominical a cependant perdu de sa superbe au cours des années, et pas seulement en raison de la baisse sensible du pouvoir d'achat.

Il ne s'agit pas ici d'adresser un hymne passéiste à la cuisine de nos grands-mères que nous ne retrouverons jamais, mais plutôt de cracher à la gueule de celui ou celle qui ne se sent pas frétiller à l'évocation d'un civet d'oie, d'une poule en gelée, voire d'une blanquette de veau avec quelques petites pommes de terre nouvelles et un peu de persil hâché. Que l'adepte de la nouvelle cuisine plutôt que de l'ancienne aille crever dans les flammes du tournebroche infernal. Que le partisan de la mayonnaise en tube plutôt que de la mayonnaise aux câpres maison soit noyé dans les limbes d'une morne sauce béarnaise Amora. Que celui-là reçoive l'assurance de notre plus profond mépris sur lui et sur sa famille pour plusieurs générations.

Car la cuisine dominicale n'est pas (que) question de pouvoir d'achat, de produits de base trop chers, en somme, de basses considérations économiques, mais bien plutôt d'une volonté : celle, tout d'abord, de se lever à 6h du matin comme le faisait ma grand-mère, pour espérer avoir préparé un repas potable (c'est-à-dire dans lequel les plats se comptent à la douzaine) vers 12h30-13h. Celle ensuite de trouver des recettes qui marqueront à coup sûr, entre les classiques (aaah, la langue de boeuf sauce américaine, la carpe farcie, l'andouille cuite au vin blanc, de mamy, la terrine de gibier, le fromage de tête, les grattons de canard frits dans la graisse d'oie de papy), les originaux (j'ai souvenir d'une moussaka et d'un couscous,qui dans la campagne saône-et-loirienne sont des mets assez rares, et que même mon grand-père, pourtant plutôt traditionnel culinairement, dégusta sans vergogne) et la perspective du repas du soir allégé (soupe, jambon sec, omelette, salade au lard, fromages de chèvre). Celle, enfin, de procurer à ses hôtes un plaisir certes vulgaire, éphémère, salement sensible et humain, mais qui va plus loin que le simple débouché naturel : il n'y a qu'à relire Proust pour se convaincre de la majestueuse poésie des asperges ou des madeleines.
Certes, il existe une dichotomie assez crasse entre les souhaits de l'étudiant et la réalité plus matérielle. La cuisine bourgeoise est souvent hors de portée de nos bourses bien molles. Mais à choisir entre un filet de boeuf et une barrette de shit, j'ai choisi mon camp il y a longtemps.
Certes, il existe une dichotomie assez crasse entre les plus simples notions de diététique et la baffre dominicale que j'encourage. Mais je dis merde aux médecins, pisse-froids qui généralement ne crachent pas eux-mêmes sur une bonne bouteille de Bordeaux accompagnée d'une tête de veau ravigotte (ou gribiche, je ne suis pas sectaire).
Certes, il existe enfin une dichotomie assez crasse entre le boeuf bourguignon de ma grand-mère et le mien. Mais c'est bien la preuve que la cuisine est un art et ma grand-mère une artiste.

Que ceux qui ont eu, comme moi, la chance d'avoir des grands-parents et parents cuisiniers, gardent toujours en mémoire leur madeleine de Proust : elle est le plus sûr chemin vers nos souvenirs, et un remède efficace contre la monotonie dominicale.
Morale : cinq fruits et légumes par jour. Oui, mais au vin et en sauce (un jour je vous parlerai de ma salade de fraises au vin rouge, crème et menthe).

dimanche 9 mars 2008

Les occupations du dimanche, volume 1 : les élections



Les élections municipales eurent lieu pour la première fois en 1790 : Véritable "révolution" dans la Révolution (pour reprendre le mot de Christine Lamarre), la désignation du maire par les citoyens de la ville était en effet une véritable nouveauté. Autrefois nommés, les maires allaient désormais être élus. Et les révolutionnaires ne s'arrêtèrent pas là, ouvrant les scrutins à tour de bras, suivis, quelques décennies plus tard, et après bien des remoux, par les républicains qui établirent, presque définitivement, ce moins pire des régimes.


Les premières élections n'eurent pas lieu le dimanche : les citoyens actifs (les hommes qui payaient un cens) se déplacèrent les jours de semaine pour aller remplir leur devoir civique en prenant sur leurs heures de lecture de Rousseau, leurs dragues à la promenade, ou, pour les plus hardis, leurs parties libertines. Lorsque le vote fut élargi à la majorité de la population, ceux que l'on appelle communément les "masses populaires", la nécessité d'organiser des élections le dimanche se fit jour : voter oui, mais pas sur les heures d'usine.

Les élections se multiplièrent rapidement : municipales, législatives, cantonales, puis présidentielles en 1965, européennes, plébiscites, référendums vinrent allègrement occuper le bon citoyen dont l'ennui dominical trouvait là un ingénieux remède. Car une élection ne se joue pas uniquement le dimanche, elle taraude, elle préoccupe, elle pose question. Le quidam est en peine, il remue, il hésite, il compare, il dissèque, il décortique, il se passionne même parfois pour le simple fait de mettre un bout de papier dans une enveloppe, puis dans une urne en plastique. Mais l'élection a le mérite de l'illusion du choix et de l'individualisation de la décision commune : "c'est grâce à moi qu'Untel a été élu" même avec 82,5% des suffrages. A contrario, "c'est à cause de moi qu'Untel n'a pas été élu".

C'est en ce sens que l'élection constitue un passe-temps favori du dimanche. Amusement républicain plus que devoir civique, elle peut occuper quelques heures par la réflexion (qui n'est pas nécessairement obligatoire), le vote en lui-même et son cérémonial, et par le suivi des résultats qui nous permet de jouir des commentaires des plus audacieux journalistes que notre pays ait produit. Et occuper quelques heures d'un dimanche, c'est déjà ça de pris.


Morale : qu'importe l'élection pourvu qu'on ait l'ivresse.

dimanche 2 mars 2008

Courte histoire du Dimanche, volume 1

Le Dimanche, 7e jour de la semaine chrétienne, fut le jour où, initialement, Dieu le Père se reposa, après avoir travaillé ardemment les 6 premiers jours de la semaine. En mémoire de cet illustre événement, dont la renommée est quelque peu tombée en désuétude, les Chrétiens se réunirent et décidèrent, probablement lors d'un sombre Concile, de ne rien foutre eux-mêmes lors de cette journée. Pour autant (parce qu'il ne faut pas déconner quand même), ne rien faire le dimanche, économiquement parlant, laissait du temps pour se consacrer au Créateur. On inventa la messe, les processions, les défilés, les baptêmes, les enterrements, toutes sortes de choses qui permettaient à l'honnête chrétien de ne pas se faire chier comme un rat mort le dimanche.


Le programme était simple : on se levait vers les 6h, on déjeunait frugalement, on s'habillait pour aller écouter le curé, ce qui occupait une bonne partie de la matinée, avant de rentrer à la maison, en famille, non sans avoir préalablement fait tourner le commerce local par l'achat de moults gâteaux qu'on s'empressa d'appeler les "gâteaux du dimanche". Au passage, on remarquera que ce système permettait de différencier les boulangers-patissiers chrétiens des vils mécréants : lorsque le gâteau était frais, on pouvait sans nul doute supposer que le bougre avait travaillé le jour même, ce qui était pêché. Mieux valait donc, si l'on était bon chrétien, manger des gâteaux pas frais, quitte à en souffrir les conséquences gastriques.


Bien huilé, ce programme tint à peu près jusqu'au jour où l'on décida de chômer aussi le samedi : funeste décision, qui remit en cause la suprématie du dimanche. Le bon chrétien, soucieux de respecter la parole divine, refusa allègrement de se laisser aller à une quelconque oisiveté : il fit du samedi une journée active, multipliant les sorties, trimbalant sa marmaille et quelquefois bobonne pour les sauver de la perte, les faisant entrer dans sa Renault Nevada, tel Noé faisant entrer la ménagerie terrestre dans son Arche de bois. Exténué, le bon chrétien revenait chez lui, le samedi soir, fier de n'avoir pas cédé face aux impies qui lui avaient imposé leur désoeuvrement sabbatique.


De nos jours encore, si le dimanche n'est plus considéré par beaucoup comme le jour du Seigneur, les hommes honorent encore sa mémoire en faisant du samedi la journée la plus fournie de la semaine (surtout s'ils sont fonctionnaires comme dans mon cas).




Conclusion : Dieu a inventé Conforama pour qu'on se rappelle de lui.




Les dimanche(s) après-midi

On s'emmerde...