samedi 29 mars 2008

Les occupations du dimanche, volume 2 : le football anglais

Né dans les cours des "colleges" britanniques au milieu du XIXe siècle, par la codification de différents jeux de pied, le football (ou soccer pour nos amis d'Outre-Atlantique), est un jeu qui oppose deux équipes de onze joueurs chacune (dix joueurs de champ et un gardien), et dont le but est d'en marquer (des buts).

Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, le football se développa rapidement en Angleterre, et aux clubs des collèges ou universités succédèrent ceux des villes, des quartiers : c'était un moyen, comme l'expliquait fort bien Georges Vigarello, de recréer, au sein de sociétés de plus en plus urbanisées, dans lesquelles la solidarité villageoise se dissolvait, un "esprit de clocher". Le public accourut en masse, les gamins jouèrent au ballon dans les rues de Londres, Manchester, Liverpool, Newcastle...Et la légende était en marche.

Les premiers footballeurs étaient de vrais passionnés amateurs : ils jouaient en sus de leurs heures de travail, le dimanche après-midi, ne rechignant pas à s'envoyer quelques bonnes pintes d'ale une fois la besogne salopée. Le supporter ouvrier de base emmenait ses rejetons soutenir les Hammers contre ces fumiers de bourgeois de Gunners, et recréait, symboliquement, les luttes sociales sur le terrain, arborant fièrement le maillot de son équipe, à défaut de casser la gueule à son patron.

De nos jours, il n'y a plus d'ouvriers de base en Angleterre, peu de rejetons, mais beaucoup plus de hooligans (demandez à Bruxelles en 1985) et les joueurs de West Ham ne crachent pas sur un transfert à Arsenal, ceux d'Everton à Liverpool, et de City à United...Les joueurs ont commencé à être grassement payés par les immondes sponsors présents sur les maillots autrefois immaculés, la premier league est devenue une congrégation de clubs de riches, rachetés et détenus par des hommes d'affaires dont le casier judiciaire est aussi vierge que Tabatha Cash, qui investissent des millions d'euros dans la construction de stades aux noms poétiques, faisant démolir les derniers vestiges du football de papa. Les Abramovitch, Al-Fayed et consorts ne lésinent pas sur les moyens pour faire venir dans leurs stades où ils seront applaudis par des fans endettés jusqu'au cou pour s'offrir le match de leurs rêves, des stars internationales qui se foutent bien de l'amour du maillot. Il faut croire que la consanguinité (ou la passion) est forte en Angleterre pour que des gogos viennent encore voir une équipe bosmanisée dont la spécificité britannique est souvent bien mince. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si quatre clubs anglais sont qualifiés pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions, alors que dans le même temps, l'équipe nationale ne participera pas à l'Euro.

Oui mais...je serai toujours ému devant des clubs de football dont les plus récents ont été créés à la même date que nos plus anciens, devant ces supporters qui voulant conserver l'esprit de leur club montent une équipe dissidente attachée à ses valeurs, devant des joueurs alcooliques, drogués, bagarreurs, taulards parfois, devant ces Shearer, Keane, Sheringham, Adams, Ince, Vinnie Jones, Speed, Hartson, Sutton, Gascoigne...Tant de briseurs de tibia et de tacleurs à hauteur de la gorge. Ajoutons que les joueurs anglais en général ont une trogne qui expriment l'esprit qui les caractérise, bien loin des bimbos apprêtées sud-européennes ou sud-américaines qui se saoulent à la manzana dans les boîtes chic de la banlieue londonienne ou les bars à tapas branchés barcelonais. Il n'y a guère que les Allemands qui ont pu leur contester ce titre, qui constitue d'ailleurs le seul qu'ils aient glané depuis 1966.


Conclusion : « J'ai dépensé beaucoup d'argent pour la picole, les jolies filles et les voitures de sport. J'ai gaspillé le reste... » George Best, le cinquième Beatles, à côté de qui Paul "Gazza" Gascoigne était un enfant de choeur.

dimanche 23 mars 2008

La Bibliothèque dominicale, volume 1 : La Bible

Le Best-Seller absolu. A faire pâlir les Guillaume Musso, Dan Brown et autres Daniel Pennac qui ne dépasseront jamais, en chiffre, le carton éditorial de cet ouvrage, dont on ne sait ni quand il a été écrit, ni par qui, ni où...Ce sont ces questions qui font vendre des millions de livres à des hordes acharnées de chrétiens en rage, s'abreuvant méticuleusement au fil des pages de la parole divine dans le seul but d'aller convertir l'infidèle ou punir l'impie. Non, je dérape.
Agrégation de textes choisis au fil des siècles, la Bible a considérablement évolué pour adopter une forme que l'on ne retouche que rarement de nos jours : pour les chrétiens, elle est divisée en deux grandes parties, l'Ancien et le Nouveau Testament, qui établissent le dogme religieux à suivre pour le bon pratiquant. On aura remarqué, au passage, que des textes fort intéressants furent retirés des Livres pour devenir apocryphes, ou deutérocanoniques (le Livre des Macchabées par exemple), ce qui équivaut à une rétrogadation dans la Ligue 2 des Livres Saints.
Mais, me direz-vous, et vous auriez raison, qu'est ce que ce type (moi) vient nous emmerder à 10h du matin avec des histoires de Bible, de livres de seins, de dutroucanonique, et tout le tralala ? Eh bien, c'est que la Bible est LE gros succès éditorial de ces 2000 dernières années : songez qu'elle est traduite en plus de 2300 langues et que l'on estime à 40 millions le nombre de Bible distribuées ou vendues chaque année ! Alors il y a de quoi faire réfléchir tout éditeur qui se respecte, parce que 40 millions de bouquins, c'est quand même mieux que les 50 volumes de la thèse de Laurent Keiff, Le pluralisme logique. Vers une dynamique.Eléments pour une étude des interactions dynamiques entre la sémantique dialogique et certains contextes de l'activité rationnelle. La cladistique. Les taxonomies « primitives.
La Bible est LE livre du dimanche, qui a été écrit POUR le dimanche, car il est à son image : flasque, chiant, contradictoire, incohérent, pétri de bonnes intentions qui ne se réalisent jamais, de promesses intenables que même le plus corrompu des politiciens n'oserait faire... j'ajouterai qu'on ne compte plus les faits avérés et incontestables qui sont des défis permanents à la Raison, et plus concrètement à la physique.
Pour lire et aimer la Bible, il faut, en somme, déjà croire au message qui y est délivré, car l'argumentaire est assez peu soutenu, et se base sur la conviction qu'il l'est. Les religieux vous diront qu'il ne faut pas prendre ce livre pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il représente, pour les idées qu'il véhicule, et que c'est une question de Foi. Pour les autres, les athées par exemple (qui représentent la majorité de la population en France et dont on ne parle jamais, parce qu'ils ne sont pas organisés en "communautés"), la Bible reste un sacré bon livre d'aventures, avec des rebondissements à gogo (la mer qui s'ouvre, le type qui multiplie les pains, qui marche sur l'eau, qu'on tue et qui revient, et tant d'autres !). Il faut bien admettre, en outre, qu'usant de techniques de marketing éculées (la polémique à quatre sesterces, la victimisation à outrance), les libraires de Nazareth ou Béthléem ont sacrément bien su vendre leur produit dans un package digne des plus grandes maisons d'éditions : recours à une main d'oeuvre qualifiée et bon marché, coalition avec les Grands-de-Ce-Monde qui allaient vendre le produit aux quatres coins du monde, insertion de passages racoleurs dans le bouquin pour le faire vendre (Marie-Madeleine, femme de Jésus-Christ ?), adoption rapide des tournants de la technologie moderne (le premier livre qui sort des presses de Gutenberg est la Bible)...Comme quoi, ce sont toujours les bouquins les plus minables qui se vendent toujours le mieux.
Conclusion : la Bible est à l'édition ce que le succès de Diam's est à la chanson : un mystère.

dimanche 16 mars 2008

La gastronomie dominicale

Il y a quelques décennies, manger était, pour certains, au-delà du besoin de survie (qui nous incite malgré tout à manger une boite de cassoulet dégueulasse lorsqu'il n'y a plus que ça) un véritable plaisir, pour ne pas dire une passion. Cette tradition, dans laquelle j'ai été élevé étant jeune, trouvait son aboutissement ultime dans le repas du dimanche : copieux, gras, lourd, arrosé de divers breuvages pour tasser le tout, d'entremets qui en temps normal nous auraient fait un repas complet, de sauces que l'on sentait couler dans nos veines, le repas dominical a cependant perdu de sa superbe au cours des années, et pas seulement en raison de la baisse sensible du pouvoir d'achat.

Il ne s'agit pas ici d'adresser un hymne passéiste à la cuisine de nos grands-mères que nous ne retrouverons jamais, mais plutôt de cracher à la gueule de celui ou celle qui ne se sent pas frétiller à l'évocation d'un civet d'oie, d'une poule en gelée, voire d'une blanquette de veau avec quelques petites pommes de terre nouvelles et un peu de persil hâché. Que l'adepte de la nouvelle cuisine plutôt que de l'ancienne aille crever dans les flammes du tournebroche infernal. Que le partisan de la mayonnaise en tube plutôt que de la mayonnaise aux câpres maison soit noyé dans les limbes d'une morne sauce béarnaise Amora. Que celui-là reçoive l'assurance de notre plus profond mépris sur lui et sur sa famille pour plusieurs générations.

Car la cuisine dominicale n'est pas (que) question de pouvoir d'achat, de produits de base trop chers, en somme, de basses considérations économiques, mais bien plutôt d'une volonté : celle, tout d'abord, de se lever à 6h du matin comme le faisait ma grand-mère, pour espérer avoir préparé un repas potable (c'est-à-dire dans lequel les plats se comptent à la douzaine) vers 12h30-13h. Celle ensuite de trouver des recettes qui marqueront à coup sûr, entre les classiques (aaah, la langue de boeuf sauce américaine, la carpe farcie, l'andouille cuite au vin blanc, de mamy, la terrine de gibier, le fromage de tête, les grattons de canard frits dans la graisse d'oie de papy), les originaux (j'ai souvenir d'une moussaka et d'un couscous,qui dans la campagne saône-et-loirienne sont des mets assez rares, et que même mon grand-père, pourtant plutôt traditionnel culinairement, dégusta sans vergogne) et la perspective du repas du soir allégé (soupe, jambon sec, omelette, salade au lard, fromages de chèvre). Celle, enfin, de procurer à ses hôtes un plaisir certes vulgaire, éphémère, salement sensible et humain, mais qui va plus loin que le simple débouché naturel : il n'y a qu'à relire Proust pour se convaincre de la majestueuse poésie des asperges ou des madeleines.
Certes, il existe une dichotomie assez crasse entre les souhaits de l'étudiant et la réalité plus matérielle. La cuisine bourgeoise est souvent hors de portée de nos bourses bien molles. Mais à choisir entre un filet de boeuf et une barrette de shit, j'ai choisi mon camp il y a longtemps.
Certes, il existe une dichotomie assez crasse entre les plus simples notions de diététique et la baffre dominicale que j'encourage. Mais je dis merde aux médecins, pisse-froids qui généralement ne crachent pas eux-mêmes sur une bonne bouteille de Bordeaux accompagnée d'une tête de veau ravigotte (ou gribiche, je ne suis pas sectaire).
Certes, il existe enfin une dichotomie assez crasse entre le boeuf bourguignon de ma grand-mère et le mien. Mais c'est bien la preuve que la cuisine est un art et ma grand-mère une artiste.

Que ceux qui ont eu, comme moi, la chance d'avoir des grands-parents et parents cuisiniers, gardent toujours en mémoire leur madeleine de Proust : elle est le plus sûr chemin vers nos souvenirs, et un remède efficace contre la monotonie dominicale.
Morale : cinq fruits et légumes par jour. Oui, mais au vin et en sauce (un jour je vous parlerai de ma salade de fraises au vin rouge, crème et menthe).

dimanche 9 mars 2008

Les occupations du dimanche, volume 1 : les élections



Les élections municipales eurent lieu pour la première fois en 1790 : Véritable "révolution" dans la Révolution (pour reprendre le mot de Christine Lamarre), la désignation du maire par les citoyens de la ville était en effet une véritable nouveauté. Autrefois nommés, les maires allaient désormais être élus. Et les révolutionnaires ne s'arrêtèrent pas là, ouvrant les scrutins à tour de bras, suivis, quelques décennies plus tard, et après bien des remoux, par les républicains qui établirent, presque définitivement, ce moins pire des régimes.


Les premières élections n'eurent pas lieu le dimanche : les citoyens actifs (les hommes qui payaient un cens) se déplacèrent les jours de semaine pour aller remplir leur devoir civique en prenant sur leurs heures de lecture de Rousseau, leurs dragues à la promenade, ou, pour les plus hardis, leurs parties libertines. Lorsque le vote fut élargi à la majorité de la population, ceux que l'on appelle communément les "masses populaires", la nécessité d'organiser des élections le dimanche se fit jour : voter oui, mais pas sur les heures d'usine.

Les élections se multiplièrent rapidement : municipales, législatives, cantonales, puis présidentielles en 1965, européennes, plébiscites, référendums vinrent allègrement occuper le bon citoyen dont l'ennui dominical trouvait là un ingénieux remède. Car une élection ne se joue pas uniquement le dimanche, elle taraude, elle préoccupe, elle pose question. Le quidam est en peine, il remue, il hésite, il compare, il dissèque, il décortique, il se passionne même parfois pour le simple fait de mettre un bout de papier dans une enveloppe, puis dans une urne en plastique. Mais l'élection a le mérite de l'illusion du choix et de l'individualisation de la décision commune : "c'est grâce à moi qu'Untel a été élu" même avec 82,5% des suffrages. A contrario, "c'est à cause de moi qu'Untel n'a pas été élu".

C'est en ce sens que l'élection constitue un passe-temps favori du dimanche. Amusement républicain plus que devoir civique, elle peut occuper quelques heures par la réflexion (qui n'est pas nécessairement obligatoire), le vote en lui-même et son cérémonial, et par le suivi des résultats qui nous permet de jouir des commentaires des plus audacieux journalistes que notre pays ait produit. Et occuper quelques heures d'un dimanche, c'est déjà ça de pris.


Morale : qu'importe l'élection pourvu qu'on ait l'ivresse.

dimanche 2 mars 2008

Courte histoire du Dimanche, volume 1

Le Dimanche, 7e jour de la semaine chrétienne, fut le jour où, initialement, Dieu le Père se reposa, après avoir travaillé ardemment les 6 premiers jours de la semaine. En mémoire de cet illustre événement, dont la renommée est quelque peu tombée en désuétude, les Chrétiens se réunirent et décidèrent, probablement lors d'un sombre Concile, de ne rien foutre eux-mêmes lors de cette journée. Pour autant (parce qu'il ne faut pas déconner quand même), ne rien faire le dimanche, économiquement parlant, laissait du temps pour se consacrer au Créateur. On inventa la messe, les processions, les défilés, les baptêmes, les enterrements, toutes sortes de choses qui permettaient à l'honnête chrétien de ne pas se faire chier comme un rat mort le dimanche.


Le programme était simple : on se levait vers les 6h, on déjeunait frugalement, on s'habillait pour aller écouter le curé, ce qui occupait une bonne partie de la matinée, avant de rentrer à la maison, en famille, non sans avoir préalablement fait tourner le commerce local par l'achat de moults gâteaux qu'on s'empressa d'appeler les "gâteaux du dimanche". Au passage, on remarquera que ce système permettait de différencier les boulangers-patissiers chrétiens des vils mécréants : lorsque le gâteau était frais, on pouvait sans nul doute supposer que le bougre avait travaillé le jour même, ce qui était pêché. Mieux valait donc, si l'on était bon chrétien, manger des gâteaux pas frais, quitte à en souffrir les conséquences gastriques.


Bien huilé, ce programme tint à peu près jusqu'au jour où l'on décida de chômer aussi le samedi : funeste décision, qui remit en cause la suprématie du dimanche. Le bon chrétien, soucieux de respecter la parole divine, refusa allègrement de se laisser aller à une quelconque oisiveté : il fit du samedi une journée active, multipliant les sorties, trimbalant sa marmaille et quelquefois bobonne pour les sauver de la perte, les faisant entrer dans sa Renault Nevada, tel Noé faisant entrer la ménagerie terrestre dans son Arche de bois. Exténué, le bon chrétien revenait chez lui, le samedi soir, fier de n'avoir pas cédé face aux impies qui lui avaient imposé leur désoeuvrement sabbatique.


De nos jours encore, si le dimanche n'est plus considéré par beaucoup comme le jour du Seigneur, les hommes honorent encore sa mémoire en faisant du samedi la journée la plus fournie de la semaine (surtout s'ils sont fonctionnaires comme dans mon cas).




Conclusion : Dieu a inventé Conforama pour qu'on se rappelle de lui.




Les dimanche(s) après-midi

On s'emmerde...