Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, le football se développa rapidement en Angleterre, et aux clubs des collèges ou universités succédèrent ceux des villes, des quartiers : c'était un moyen, comme l'expliquait fort bien Georges Vigarello, de recréer, au sein de sociétés de plus en plus urbanisées, dans lesquelles la solidarité villageoise se dissolvait, un "esprit de clocher". Le public accourut en masse, les gamins jouèrent au ballon dans les rues de Londres, Manchester, Liverpool, Newcastle...Et la légende était en marche.
Les premiers footballeurs étaient de vrais passionnés amateurs : ils jouaient en sus de leurs heures de travail, le dimanche après-midi, ne rechignant pas à s'envoyer quelques bonnes pintes d'ale une fois la besogne salopée. Le supporter ouvrier de base emmenait ses rejetons soutenir les Hammers contre ces fumiers de bourgeois de Gunners, et recréait, symboliquement, les luttes sociales sur le terrain, arborant fièrement le maillot de son équipe, à défaut de casser la gueule à son patron.
De nos jours, il n'y a plus d'ouvriers de base en Angleterre, peu de rejetons, mais beaucoup plus de hooligans (demandez à Bruxelles en 1985) et les joueurs de West Ham ne crachent pas sur un transfert à Arsenal, ceux d'Everton à Liverpool, et de City à United...Les joueurs ont commencé à être grassement payés par les immondes sponsors présents sur les maillots autrefois immaculés, la premier league est devenue une congrégation de clubs de riches, rachetés et détenus par des hommes d'affaires dont le casier judiciaire est aussi vierge que Tabatha Cash, qui investissent des millions d'euros dans la construction de stades aux noms poétiques, faisant démolir les derniers vestiges du football de papa. Les Abramovitch, Al-Fayed et consorts ne lésinent pas sur les moyens pour faire venir dans leurs stades où ils seront applaudis par des fans endettés jusqu'au cou pour s'offrir le match de leurs rêves, des stars internationales qui se foutent bien de l'amour du maillot. Il faut croire que la consanguinité (ou la passion) est forte en Angleterre pour que des gogos viennent encore voir une équipe bosmanisée dont la spécificité britannique est souvent bien mince. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si quatre clubs anglais sont qualifiés pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions, alors que dans le même temps, l'équipe nationale ne participera pas à l'Euro.
Oui mais...je serai toujours ému devant des clubs de football dont les plus récents ont été créés à la même date que nos plus anciens, devant ces supporters qui voulant conserver l'esprit de leur club montent une équipe dissidente attachée à ses valeurs, devant des joueurs alcooliques, drogués, bagarreurs, taulards parfois, devant ces Shearer, Keane, Sheringham, Adams, Ince, Vinnie Jones, Speed, Hartson, Sutton, Gascoigne...Tant de briseurs de tibia et de tacleurs à hauteur de la gorge. Ajoutons que les joueurs anglais en général ont une trogne qui expriment l'esprit qui les caractérise, bien loin des bimbos apprêtées sud-européennes ou sud-américaines qui se saoulent à la manzana dans les boîtes chic de la banlieue londonienne ou les bars à tapas branchés barcelonais. Il n'y a guère que les Allemands qui ont pu leur contester ce titre, qui constitue d'ailleurs le seul qu'ils aient glané depuis 1966.
Conclusion : « J'ai dépensé beaucoup d'argent pour la picole, les jolies filles et les voitures de sport. J'ai gaspillé le reste... » George Best, le cinquième Beatles, à côté de qui Paul "Gazza" Gascoigne était un enfant de choeur.